« Les enfants ont besoin d’un cadre pour bien grandir ! »
« Ils ont besoin de limites ! »
Ce sont souvent des injonctions que je reçois parce que j’ai choisi d’élever mes enfants sans punitions, sans sanctions, et sans cris (autant que possible).
Il y a quatre ans, quand je commençais à entrapercevoir qu’il existait une autre forme d’éducation que celle que j’ai connue, une éducation sans punition, sans cri, je n’aurais jamais imaginé le chemin que j’allais parcourir… J’ai parfois traversé des moments de doutes, notamment parce que j’ai longtemps cru que la « bienveillance éducative » demandait d’être toujours à l’écoute et disponible pour ses enfants. Aujourd’hui je comprends qu’il ne peut y avoir bienveillance envers les enfants que si nous en faisons preuve pour nous-mêmes, et aussi pour les autres, l’entourage, la famille, les amis, la société. La bienveillance est devenue plus qu’éducative : elle est devenue un art de vivre pour moi, un apprentissage qui, je pense, aura lieu tout au long de ma vie.
On me dit qu’il n’y a pas de bienveillance sans limite, sans cadre. J’entends cela et en même temps, l’idée que ce cadre soit nécessaire ne me parle pas, car j’ai le sentiment qu’il existe, quoi que je fasse… Parfois, j’ai le sentiment que l’on m’assène cette vérité pour me faire comprendre quelque chose : qu’il y aurait un besoin IMPERIEUX de mettre des limites.
Alors j’imagine deux secondes ce que serait un monde sans limite : mes enfants s’envoleraient en sautant d’un balcon, je serais très souvent tapée par eux, je les laisserais marcher comme ils veulent sur la route face aux voitures, j’irais acheter illico presto des cordons bleus s’il n’y en a plus dans le frigo, la maison serait jonchée de jouets que je rangerais seule, nous arriverions à l’école en retard tous les matins et le petit n’irait presque jamais à la crèche ou chez sa nounou, etc etc. Est-ce que je vis sans aucune limite ? Non. En revanche, je peux dire que j’ai revu un très grand nombre de mes limites et notamment celles que je mettais par peur d’en faire des « enfants rois », des « enfants tyrans ». Peu à peu, mes frontières se sont atténuées. J’ai préféré laisser la place à plus de liberté lorsque cela était possible pour moi, pour mon conjoint, pour nous deux ensemble. Nous avons laissé la place à une réflexion individuelle autour de nos limites personnelles, en lien avec nos propres ressentis, qui ne sont pas ceux des autres, qui n’ont pas à être ceux des autres, et nous essayons de trouver un compromis respectueux des ressentis de chacun. C’est pour cela que j’invite mes enfants à réfléchir sur ce qu’ils ressentent, que je les incite à parler de leurs choix.
Peu à peu, je me suis détachée de l’idée que je suis « celle qui sait » ce dont mes enfants ont besoin. Je suis convaincue qu’ils connaissent parfaitement leurs besoins et qu’il suffit parfois d’un cadre approprié, d’un cadre sécurisant et sécurisé pour leur permettre de les exprimer et d’y répondre d’eux-mêmes. De mon côté, je me suis connectée à mes propres besoins, un peu plus chaque jour, j’ai écouté ces petites voix en moi qui me disent « qu’est-ce qui est bon pour moi là, maintenant ? ».
Nous avons parfois des besoins vraiment incompatibles avec mes enfants… Parfois je suis complètement exténuée, déprimée, j’aurais besoin de ne plus les avoir autour de moi et de disparaître dans un trou de souris où je pourrais dormir des heures, alors qu’eux au contraire ont besoin de mon affection, de mes câlins, de mon temps, de ma disponibilité. Dans l’idéal, nous essayerions de trouver une réponse qui conviennent à tout le monde, qui respectent les besoins de chacun : j’ai besoin de repos, tu as besoin de passer du temps avec moi, pourquoi n’irions-nous pas lire dans le lit, en nous endormant doucement les uns à côté des autres ? Je n’ai pas de réponse toute faite. Je n’ai pas de réponse parfaite. Parfois ils entendent mon besoin du haut de leurs 3 et 4 ans, je peux me permettre alors de sommeiller un peu, de faire une activité ressourçante pour moi. Parfois, ce sont leurs besoins qui sont impérieux et je sacrifie mon besoin pour le leur : je vais essayer de leur offrir un moment de qualité, dans la mesure de ma possibilité, en espérant que cela leur permettra de me laisser un peu plus tranquille quelques heures plus tard. Et parfois, personne n’est apte à écouter les besoins de l’autre, et nous nous retrouvons dans un joyeux bordel !!!
La bienveillance, je la pratique envers moi-même également. Lorsque je ne me sens pas capable de répondre parfaitement à leurs besoins et que nous avons des accrocs, que sortent les hurlements, les reproches, alors je tâche de voir en moi les besoins délaissés qui crient famine et qui auraient eu bien besoin d’être nourris, je tâche de me pardonner de ne pas avoir répondu de manière idéale auprès de mes enfants, et je me promets que je ferais mieux les fois suivantes, en réfléchissant à la façon dont j’aurais pu combler mon besoin dans cette situation, qui devient une expérience enrichissante.
J’ai aussi beaucoup évolué sur ma façon de transmettre les valeurs importantes à mes yeux. Je crois beaucoup au pouvoir de l’imitation, c’est en cela qu’il me semble important de montrer l’exemple à mes enfants, notamment sur des questions telles que la politesse, l’empathie, la sérénité, l’écoute de ses besoins…
Je constate d’ailleurs que le mot « éducation » me convient de moins en moins. Je lui préfère celui de Transmission. Quelle différence je fais entre éduquer et transmettre ? Dans éduquer, j’entends une forme d’unilatéralité : l’éducation va du « sachant » à l’ « apprenant », cela implique dans mon ressenti que je suis celle qui sait et que mes enfants ne savent pas, qu’il faut donc que je leur apprenne ce qui leur est bon de savoir.
Dans le mot Transmission, je vois plutôt quelque chose de l’ordre du partage de connaissances, du cadeau des savoirs mis en commun.
En tant qu’adulte, j’ai des compétences que je peux offrir à mes enfants afin de leur garantir un certain nombre de conforts : je suis grande et ait une vision profonde, je leur offre cette compétence lorsque nous marchons ensemble sur la rue afin de les protéger des dangers de la circulation ; le circuit neuronal abouti de mon cerveau me permet d’anticiper les conséquences de certaines situations, et mon expérience me permet de me souvenir de ce que je souhaite voir se répéter ou ce que je ne souhaite pas revivre, ainsi je transmets à mes enfants quelles situations me semblent dangereuses ou néfastes pour eux ; j’ai la capacité de lire, de synthétiser des informations, de mener une réflexion, de prendre des décisions pour moi, je peux donc transmettre à mes enfants le fruit de ces trouvailles et leur permettre de nous apporter une vie plus saine selon mes critères.
Dans le mot Transmission, ce que j’aime le plus, c’est qu’il me permet de prendre conscience des compétences de mes enfants et de m’en émerveiller ! Ils ont la compétence de vivre totalement dans l’instant présent, ce qui leur permet de me rappeler bien souvent que les inquiétudes et les tourments quotidien ne valent pas l’éblouissant spectacle de la vie et la beauté du monde qui nous entoure ; ils ont la compétence d’être totalement dans le ressenti, à l’écoute de leur sens, ainsi ils m’enseignent que la peinture portée à bout de doigts sur le corps entier est un délice sensoriel ; leur besoin d’attachement est tellement intense qu’ils ont une compétence innée en amour inconditionnel et, quoi que nous leur disions, quoi que nous leur fassions, ils recherchent instinctivement notre affection, nous enseignant de la sorte que l’amour est plus fort que tout…
J’aime ce que je transmets à mes enfants, je suis en phase avec moi-même et mes convictions. J’aime cette définition de l’éducation bienveillante…
Encore un article pour rien, juste pour me rassurer moi-même dans ma tête !
Lilie